Suivi 2019-2020 de la migration des anguilles d'avalaison du bassin de la Loire
Pêcheurs Professionnels au guideau - AAPPBLB
Publiée le mercredi 03 novembre 2021 à 12h00 dans Rapports d’étude
L’anguille européenne (Anguilla anguilla, Linnaeus, 1758), migrateur catadrome emblématique de nos cours d’eau est depuis 1980 en constante régression sur l’ensemble de son aire de répartition (Beaulaton & Briand, 2007). On estime aujourd’hui que les effectifs de l’unique population de cette espèce ont chuté de près de 95% en 30 ans (Harrison et al., 2014). Selon le CIEM (2006), le stock d’anguille est en dessous de ses limites biologiques (Acou et al., 2015). La réduction du stock est notamment dû à un problème de recrutement (Harrison et al., 2014). En effet, celui-ci est à un niveau minimal historique et la plupart des observations ne montrent pas de tendance à la récupération (Harrison et al., 2014). Les tendances de recrutement vont jusqu’à une baisse de 99% dans certaines zones comme au Royaume-Uni (Harrison et al., 2014). Les causes de cette régression sont multiples, synergiques et principalement d’origine anthropique (Beaulaton & Briand, 2007 ; Harrison et al., 2014). Selon la commission des pêcheries intérieures (EIFAC) de la FAO, elles peuvent être classées en deux groupes, les causes d’origine océanique et celles d’origine continentale. Les facteurs continentaux sont multiples : l'exploitation commerciale sur tous les stades du cycle de vie, la perte et la fragmentation des habitats, la construction d’ouvrages et d’obstacles à la migration, les prélèvements d'eau de surface, l’infestation parasitaire ou encore la pollution de l’eau (Molnar, 1993 ; Sauvaget et al., 2003 ; Beaulaton & Briand, 2007 ; Harrison et al., 2014).
Afin d’espérer la reconstitution partielle du stock d’anguille européenne, le conseil des ministres européens a adopté, en septembre 2007, un règlement (CE n°1100/2007 du 18/09/07) qui demande à chaque état concerné d’établir des plans de gestion de l’anguille pour restaurer le stock, bassin par bassin (Acou et al., 2015). Ce règlement prévoit un échappement minimum de 40% des futurs géniteurs et un repeuplement des cours d’eau européens. Le programme INTERREG III B, INDICANG, dans des travaux antérieurs, avait anticipé cette démarche et proposé la mise au point d’indicateurs de l’état des stocks d’anguilles sur des bassins versants index. Ces indicateurs portent sur les trois écophases, civelles, anguilles jaunes et anguilles argentées et sur la qualité des bassins versants.
Considérant que la production d’anguilles argentées est la première cible de gestion à atteindre et que peu de données sont disponibles, les objectifs sur cette écophase visent à évaluer l’échappement en anguilles (Acou et al., 2015). L’échappement en anguilles argentées d’un bassin versant se caractérise par sa production potentielle de géniteurs appelée également potentiel reproducteur, leur qualité (Bourillon et al., 2019), c'est-à-dire leur capacité à se reproduire, mais aussi par la mortalité directe d’origine anthropique qui vient réduire cet échappement (Acou et al., 2015). Le potentiel reproducteur représente la quantité d’anguilles argentées dévalant du bassin, telle qu’elle serait observée, chaque année, si la dévalaison ne dépendait pas des facteurs climatiques imprévisibles et sans mortalité d’origine anthropique.
La Loire est le seul grand fleuve français sur lequel il existe une pêcherie d’anguilles de dévalaison organisée (Acou et al., 2015). L’Association Agréée des Pêcheurs Professionnels en eau douce du Bassin Loire Bretagne (AAPPBLB) fournit, au tableau de bord Anguille – Loire, un indice annuel de l’abondance des anguilles argentées. Cet indice est construit à partir des captures annuelles de quatre pêcheries sélectionnées parmi les 5 à 13 pratiquants l’avalaison. Sont également transmises les données journalières de captures au guideau (Capture Par Unité d’Effort, CPUE) de tous les pêcheurs.
De 1987 à 2007, la réglementation relative à la pratique de la pêche d’anguilles de dévalaison autorisait les captures sans discontinuer du 1er octobre au 15 février. Depuis 2008, l’application d’une nouvelle réglementation, en lien avec le règlement européen instituant une relève hebdomadaire du samedi à partir de 18 heures au lundi à 6 heures, pour la même période de pêche, a entraîné un changement dans les pratiques et dans la constitution de l’indice d’abondance puisque 28% des jours de la saison de pêche ne peuvent plus être échantillonnés. En 2009, le recalcul de l’indice d’abondance pour la période 1987-2007 en enlevant les périodes de relève hebdomadaire a montré la constance de la pêcherie au guideau dans son activité de manière globale. Une réduction de la période de pêche de 28% en durée a entraîné une réduction globale des efforts de 27% et des captures de 26%. Mais ceci ne doit pas cacher de grandes disparités interannuelles mais aussi inter pêcheries (Proust, 2019).
Ce rapport d’exécution présente, pour la campagne 2019-2020, l’effort de pêche de l’ensemble des pêcheurs professionnels localisés à l’amont d’Ancenis, incluant les relèves hebdomadaires. Les caractéristiques des géniteurs seront également analysées (sexe, taille, masse, condition corporelle). Une évaluation non exhaustive de la contamination de la vessie natatoire par le parasite Anguillicola crassus sera fournie. Enfin, l’indice d’abondance, construit à partir des captures annuelles des quatre mêmes pêcheries depuis 1987, apportera des précisions quant à l’évolution interannuelle de l’abondance des géniteurs d’anguilles dévalant la Loire pendant la période autorisée de pêche (du 1er octobre 2019 au 15 février 2020). Le calcul de l’indice d’abondance a été reconduit avec application virtuelle de la relève hebdomadaire dans son intégralité de façon à disposer d’un élément de comparaison avec les années antérieures ; l’analyse des captures et efforts de pêche, sur les relèves hebdomadaires pêchées, ayant été préalablement conduite.